Ségolène Royal était hier matin l’invitée de La Matinale sur Canal+, émission animée par Maïtena Biraben et Caroline Roux.
La candidate est revenue, à la demande de Caroline Roux, sur ce qui a le plus changé dans la façon de faire la campagne de 2011-2012 par rapport à celle de 2006-2007 : « C’est l’expérience, tout d’abord », dont « l’expérience de cette campagne présidentielle, et puis le travail accompli depuis bientôt 5 ans ». Ségolène Royal a souligné :
« Je suis d’ailleurs l’unique candidate à avoir fait cet effort, de me présenter à l’élection primaire en présentant aux Français le livre-projet de la vision de la France ».
Sur où elle voyait le « désir de Royal », la candidate a répondu et proposé aux animatrices :
« Sur le terrain. Venez avec moi si vous voulez un jour en campagne, et vous verrez à quel point les Français qui souffrent et les Français qui espèrent, les Français qui ont perdu et les Français qui ont peur de perdre, sont là. »
Interrogée sur la lettre adressée à la Haute Autorité des primaires citoyennes (cf plus bas la lettre) par Delphine Batho, mandataire de la candidate auprès de cette instance ; sur l’usage des sondages, Ségolène Royal a indiqué « que ces enquêtes sont faites sur un échantillon très restreint de 200 électeurs, et que les directeurs des instituts de sondage eux-mêmes disent qu’il est impossible de savoir qui va venir voter » et a souligné : « Les sondages sont une forme de poison de la démocratie ».
Interrogée à propos des 15 milliards que la France va emprunter pour venir à nouveau au secours de la Grèce, Ségolène Royal a déclaré :
« Et pourquoi nous en sommes là ? Parce qu’il n’y a pas eu la réforme du système bancaire. Et tant que les règles concernant les banques ne changeront pas, alors la crise reviendra. Et il y a un manque de courage de nos dirigeants européens, notamment du président de la République française. […]
Il faut donc imposer aux banques l’interdiction de spéculer, sinon la crise va continuer […]. Et la deuxième décision à prendre, c’est d’obliger les banques à financer la relance économique, notamment dans la mutation écologique et dans la croissance verte, plutôt que placer uniquement à leur propre profit. Vous voyez, tant que les règles du système ne changeront pas, on aura la crise.
[…] Les banques ont les dépôts des salaires, des retraites, des profits des entreprises, en contrepartie, leur obligation professionnelle, c’est d’aider les entreprises et d’aider les particuliers sans les assommer par des taux d’intérêt trop élevés, voilà ce que j’appelle l’ordre social juste, l’ordre international et économique juste. »
Enfin, dans la dernière partie « J’aime, je n’aime pas », Ségolène Royal s’est prononcée contre une nouvelle loi sur l’euthanasie : « Je pense qu’il faut une réflexion d’abord éthique, de société, un débat de fond, mais je ne suis pas favorable à l’euthanasie. ».
Frédérick Moulin
Ségolène Royal invitée de la Matinale de Canal+ par segolene-royal
Transcription par Militants de l’Espoir À Gauche avec Ségolène Royal /F.M.
Maïtena Biraben : Ségolène Royal, la candidate à la primaire socialiste publie la Lettre à tous les résignés et indignés qui veulent des solutions chez Plon, elle ne veut pas croire les enquêtes qui la donnent battue au premier tour, elle y croit, une constante dans le fonctionnement et la légende Royal. Bonjour Ségolène Royal
Ségolène Royal : bonjour.
Maïtena Biraben : soyez la bienvenue.
Caroline Roux : bonjour. Alors effectivement, vous vous êtes déjà présentée devant les militants socialistes, puis devant les Français, en 2007, et on a tout entendu après cette campagne : elle ne travaille pas, elle improvise, elle ne sait pas faire vivre une équipe. Vous revoilà devant les Français, devant les socialistes, devant le peuple de gauche, 5 ans après, et là, est-ce que vous nous dites : « J’ai changé parce que la vie m’a changé. », comme le fait Nicolas Sarkozy ?
Ségolène Royal : oui, bien sûr, en 5 ans on est plus la même (Rire) qu’en 2007. Vous avez peut-être oublié un des bilans que vous venez de tirer de la campagne de 2007, il y a eu quand même 17 millions de voix. Donc je n’avais pas forcément déjà tous les défauts (Rire) que vous voulez bien souligner.
Caroline Roux : mais en quoi vous avez le plus changé ? Vous avez été critiquée par vos camarades socialistes, vous le savez, vous y revenez d’ailleurs dans votre livre, vous le dites.
Ségolène Royal : oh, très peu, oui.
Caroline Roux : voilà. Donc qu’est-ce qui a le plus changé dans votre façon de faire cette campagne par rapport à celle que vous aviez faite en 2006 et 2007 ?
"C’est l’expérience, tout d’abord. L’expérience de cette campagne présidentielle, et puis le travail accompli depuis bientôt 5 ans"
Ségolène Royal : c’est l’expérience, tout d’abord. L’expérience de cette campagne présidentielle, et puis le travail accompli depuis bientôt 5 ans. C’est cela, je crois, qui compte : d’abord les déplacements internationaux, ensuite les universités populaires, ensuite faire de ma Région un laboratoire de l’excellence environnementale et de la création d’emploi, on l’a vu récemment, avec le lancement de la voiture électrique qui m’a permis de créer 400 emplois, il y aurait beaucoup d’autres exemples, que je prends d’ailleurs dans ce livre-projet.
"Je suis d’ailleurs l’unique candidate à avoir fait cet effort, de me présenter à l’élection primaire en présentant aux Français le livre-projet de la vision de la France"
Je suis d’ailleurs l’unique candidate à avoir fait cet effort, de me présenter à l’élection primaire en présentant aux Français le livre-projet de la vision de la France …
Maïtena Biraben présent Lettre à tous les résignés et indignés qui veulent des solutions, de Ségolène Royal, à l'écran
Caroline Roux, lui coupant la parole : parce que les autres ont le projet socialiste, c’était un peu ça l’idée, aussi.
Ségolène Royal : il y a le projet socialiste, qui est notre base commune, mais ensuite il faut bien que chaque candidat et que chaque candidate dise clairement aux Français quelle est leur vision de la France, la mienne c’est l’ordre social juste, je crois qu’il y a beaucoup de désordres auxquels nous devons mettre fin, et c’est les 5 solutions efficaces et justes, immédiates, que je mettrai en place si je suis élue
Caroline Roux : et on va y venir. Et on va y venir, mais juste un mot sur un trait de caractère que Maïtena a noté lorsque vous êtes arrivée : vous croyez en vous, vous ne regardez pas les sondages, vous ne regardez pas également les soutiens de Martine Aubry ou de François Hollande qui sont très nombreux, euh, en quoi … où est-ce que vous voyez le désir de Royal ?
"Venez avec moi si vous voulez un jour en campagne, et vous verrez à quel point les Français qui souffrent et les Français qui espèrent, les Français qui ont perdu et les Français qui ont peur de perdre, sont là ; sont là parce qu’ils savent que je suis une femme de conviction engagée, que je me bats pour eux, que je parle à leur place, pour eux, ceux qui sont sans voix, je veux être la voix des sans voix, et en plus ils savent que je suis une femme honnête, efficace et concrète"
Ségolène Royal, immédiatement : sur le terrain. Venez avec moi si vous voulez un jour en campagne, et vous verrez à quel point les Français qui souffrent et les Français qui espèrent, les Français qui ont perdu et les Français qui ont peur de perdre, sont là ; sont là parce qu’ils savent que je suis une femme de conviction engagée, que je me bats pour eux, que je parle à leur place, pour eux, ceux qui sont sans voix, je veux être la voix des sans voix, et en plus ils savent que je suis une femme honnête, efficace et concrète.
(dessin de Plantu)
Et les sondages sont une forme de poison de la démocratie, vous le savez : ils donnaient Balladur élu, ils donnaient Lionel Jospin élu devant Jacques Chirac, vous avez vu ce qu’il en était. Au dernier congrès, ils me disaient battue à plate couture, je suis sortie en tête, et je trouve en effet que ces sondages sont une forme de déni de la démocratie, parce que …
Caroline Roux, lui coupant la parole : justement, Delphine Batho, qui est votre mandataire, a saisi la Haute Autorité des primaires socialistes [Caroline Roux se trompe : des primaires CITOYENNES, NdlR] à propos des enquêtes, pourquoi ?
Ségolène Royal : parce que ces enquêtes sont faites sur un échantillon très restreint de 200 électeurs, et que les directeurs des instituts de sondage eux-mêmes disent qu’il est impossible de savoir qui va venir voter, est-ce qu’il y aura 500 000 personnes, 1 million de personnes, on ne sait pas, et donc il n’y a pas de base sur ces sondages, donc c’est un business sans doute rentable, effectivement, les journaux achètent des sondages qui remplacent le débat politique de fond, eh bien moi je … eh bien …
Caroline Roux, lui coupant la parole et la désignant du doigt : vous l’auriez pas fait en 2006, ça, parce que les sondages, y vous étaient favorables, en 2006.
Ségolène Royal : mais en 2006, les débats avaient commencé, les Français nous connaissaient. Donc les Français jugeaient non pas sur des images ou sur des sondages, en répétant ce qui se passe dans les autres sondages (Rire) mais ils commençaient déjà à nous juger, à nous comparer, et à évaluer nos capacités à devenir une bonne présidente de la République.
Maïtena Biraben : on va parler d’un dossier où les chiffres sont là, bel et bien, la rigueur.
Caroline Roux : oui, la France va devoir emprunter 15 milliards pour financer le deuxième plan d’aide à la Grèce, le vote a eu lieu hier, et pour montrer leur bienveillance d’une manière euh … oui, on va dire leur bienveillance, les socialistes se sont abstenus, n’ont pas voté contre. Comment est-ce que vous expliquez aux Français qu’il va falloir, de nouveau, payer pour la Grèce ?
(dessin de Plantu)
Ségolène Royal : la situation est quand même extrêmement grave, puisque vous évoquiez à l’instant la possibilité, c’est dans les journaux économiques ce matin, pour la Grèce de sortir de la zone euro, ce qui serait une catastrophe.
Pourquoi est-ce qu’il faut en venir là ? Parce que les réformes n’ont pas été faites en 2008 lorsque nous avons eu la même crise. Et pourquoi nous en sommes là ? Parce qu’il n’y a pas eu la réforme du système bancaire. Et tant que les règles concernant les banques ne changeront pas, alors la crise reviendra.
"Il y a un manque de courage de nos dirigeants européens, notamment du président de la République française"
Et il y a un manque de courage de nos dirigeants européens, notamment du président de la République française. Pourquoi ? Parce qu’il faut imposer aux banques l’interdiction de spéculer sur la dette des Etats, et vous voyez des banques qui recherchent des placement avec un rendement à 2 chiffres alors que la croissance est en berne et qu’il y a même certains pays touchés par la récession.
"Il faut donc imposer aux banques l’interdiction de spéculer, sinon la crise va continuer, et c’est un vrai scandale de voir les banques continuer à s’enrichir et commander au système économique alors qu’elles devraient obéir"
Donc comment voulez-vous que le système marche ? Il faut donc imposer aux banques l’interdiction de spéculer, sinon la crise va continuer, et c’est un vrai scandale de voir les banques continuer à s’enrichir et commander au système économique alors qu’elles devraient obéir.
Et la deuxième décision à prendre, c’est d’obliger les banques à financer la relance économique, notamment dans la mutation écologique et dans la croissance verte, plutôt que placer uniquement à leur propre profit.
Vous voyez, tant que les règles du système ne changeront pas, on aura la crise.
Caroline Roux : est-ce que ça veut dire que vous êtes favorable à la proposition de Christine Lagarde de recapitaliser les banques européennes, qu’est-ce que vous pensez de cette proposition de la patronne du FMI ?
Ségolène Royal : je crois qu’elle a raison. Et je pense que le système bancaire veut dissimuler sa fragilité, toujours pour continuer à n’en faire qu’à sa tête, et que le pouvoir politique doit avoir le courage d’imposer aux banques des règles, ce qu’on appelle …
Caroline Roux, lui coupant la parole : est-ce qu’il le peut, le pouvoir politique, il impose …
Ségolène Royal, l’interrompant : mais écoutez, alors à ce moment-là, ce n’est pas la peine d’être président de la République, (Petit rire de Caroline Roux) ni de diriger un gouvernement …
Caroline Roux : on a le sentiment qu’il n’y a pas beaucoup de marge de manœuvre …
"[Les] banques s’enrichissent sur le dos des Français. Les banques ont les dépôts des salaires, des retraites, des profits des entreprises, en contrepartie, leur obligation professionnelle, c’est d’aider les entreprises et d’aider les particuliers sans les assommer par des taux d’intérêt trop élevés, voilà ce que j’appelle l’ordre social juste, l’ordre international et économique juste"
Ségolène Royal, sans s’arrêter : … attendez (Sourire de Ségolène Royal) si l’on considère, si l’on considère qu’on n’a pas la capacité politique d’imposer aux banques qui, quand même, s’enrichissent sur le dos des Français. Les banques ont les dépôts des salaires, des retraites, des profits des entreprises, en contrepartie, leur obligation professionnelle, c’est d’aider les entreprises et d’aider les particuliers sans les assommer par des taux d’intérêt trop élevés, voilà ce que j’appelle l’ordre social juste, l’ordre international et économique juste.
Maïtena Biraben : on passe à ‘l’ordre’ de la matinale, c’est le « J’aime, j’aime pas maintenant.
Vous aimez vous n’aimez pas Martine Aubry qui veut abroger Hadopi et prélever 1 euro sur les abonnements internet ?
Ségolène Royal : pourquoi pas. Mais vous savez toutes les taxes, je m’en méfie beaucoup parce qu’il y a toujours des effets pervers. Au bout du compte, c’est toujours les consommateurs qui finissent par payer …
HADOPI - prélèvement de 1 euro sur les abonnement : "Pourquoi pas. Mais vous savez toutes les taxes, je m’en méfie beaucoup parce qu’il y a toujours des effets pervers. Au bout du compte, c’est toujours les consommateurs qui finissent par payer, je suis contre les taxes supplémentaires"
Maïtena Biraben, qui s’arrête rapidement, faute d’argument : non, justement, là y’a …
Ségolène Royal, sans s’arrêter : … je suis contre les taxes supplémentaires.
Maïtena Biraben : Caroline ?
Caroline Roux : « J’aime, j’aimes pas » : Jean-Louis Borloo qui a inauguré son ‘presque’ QG de campagne ?
Ségolène Royal : ah bien oui, pourquoi pas ? C’est son droit, c’est la démocratie. (Sourire)
Maïtena Biraben : il est toujours pas candidat, on le rappelle. « Vous aimez, vous n’aimez pas », une nouvelle loi sur l’euthanasie ?
"Non, je pense qu’il faut une réflexion d’abord éthique, de société, un débat de fond, mais je ne suis pas favorable à l’euthanasie"
Ségolène Royal : non, je pense qu’il faut une réflexion d’abord éthique, de société, un débat de fond, mais je ne suis pas favorable à l’euthanasie.
Caroline Roux : « J’aime, j’aime pas » : Carla Bruni, qui affirme qu’elle n’exposera jamais son enfant ?
Ségolène Royal : elle a raison.
Caroline Roux : vous l’aviez fait, vous.
Ségolène Royal : écoutez …
Caroline Roux : y’a des photos …
Maïtena Biraben : à la naissance.
Caroline Roux, sans s’arrêter : … de Ségolène Royal à la maternité.
Ségolène Royal : écoutez … oui mais moi j’avais la fierté de ça aussi, de cette maternité. J’avais 4 enfants, et plutôt que d’être poursuivie par les paparazzis, j’ai donné en effet des photos à la sortie de la maternité.
Caroline Roux : vous le regrettez ? Vous le feriez plus aujourd’hui ?
"C’était une époque, je pense, où il y avait beaucoup moins de pression médiatique qu’aujourd’hui, et les photos sont restées d’ailleurs magnifiques. Mais peut-être qu’aujourd’hui, sans doute, je ne le referais pas, on est dans un autre contexte"
Ségolène Royal : c’était une époque, je pense, où il y avait beaucoup moins de pression médiatique qu’aujourd’hui, et les photos sont restées d’ailleurs magnifiques. Mais peut-être qu’aujourd’hui, sans doute, je ne le referais pas, on est dans un autre contexte.
Maïtena Biraben : on imagine qu’elle aussi est fière …
Ségolène Royal : absolument.
Maïtena Biraben, sans s’arrêter : … à venir. Merci beaucoup, Ségolène Royal, d’avoir été avec nous. On va faire le débriefing du festival de Venise, la Mostra, avec Xavier.
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Le blog de Delphine Batho, 6 septembre 2011